Les mémoires meurtries n'ont cesse de nous rappeler beaucoup de tristes épisodes de l'histoire et puisque le temps est aux souvenirs … Pour ne pas oubier, Wounded Knee, massacre perpétré par le 7ème régiment de cavalerie contre les Lakotas du chef Big Foot. C’est le dernier épisode des "guerres indiennes". Les circonstances particulièrement scandaleuses qui l’ont entouré en font l’un des plus tragiques et celui qui a le plus marqué la mémoire collective des Lakotas et des Indiens en général.
La Danse des Esprits - Ghost Dance
Durant
l’automne 1890, le mouvement messianique de la Danse des Esprits
s’est amplifié à travers les réserves lakota. Depuis la fin du
mois de novembre, des attaques sont menées par des milices et divers
éléments incontrôlés de l’armée contre des Indiens isolés et
des camps de danseurs des esprits. L'armée
s'inquiéta de ce qu'elle pensait être le début d'une révolte,
alors qu'en fait la prophétie ne demandait pas aux Indiens de
prendre les armes mais de laisser faire le Grand Esprit.
Le
15 décembre, Sitting Bull est abattu par la police indienne lors
d’une tentative d’arrestation. A la demande de l’agent Daniel
F. Royer, responsable de la réserve, l’armée investit Pine Ridge
afin de protéger les Blancs et les Indiens amis contre la menace
supposée des danseurs des esprits. Un millier de danseurs des
esprits s’enfuient au Stronghold, une forteresse naturelle située
au sud des Badlands, au nord-ouest de la réserve, où ils
poursuivent leurs cérémonies.
29 décembre 1890
Le
matin du 29 décembre, le colonel ordonne aux guerriers de se
rassembler au centre du camp afin d’être désarmés. Les soldats
fouillent les tipis, molestant les femmes, à la recherche d’armes
cachées.
Le désarmement des hommes commence. L’homme-médecine
Yellow Bird, entonnant un chant de la Danse des Esprits, prétend que
les balles des Blancs ne traverseront pas leurs chemises sacrées. Un
interprète malveillant avertit les soldats que Yellow Bird incite
les guerriers à la révolte. La tension est à son comble. Un homme
qui n’a pu être identifié refuse de donner son fusil, disant
qu’il en a besoin pour chasser. Tandis que les soldats l’empoignent
et qu’il se débat, le coup de feu part accidentellement.
Alors,
calmement, un officier s’approche et vient abattre le vieux Big
Foot assis sur le sol. Sur un ordre, les soldats se mettent à tirer
sur les Indiens désarmés. Plusieurs soldats sont atteints par le
tir désordonné de leurs camarades. Les Indiens bondissent et
tentent de reprendre leurs armes. D’autres se jettent à mains nues
sur les soldats pour les empêcher de tirer.
Un bruit de tonnerre
déchire l’air. Les quatre canons ont ouvert le feu. Ils prennent
le village en enfilade, déchiquetant tout de leurs balles
explosives. Les femmes et les enfants fuient avec les quelques hommes
qui ont pu échapper aux premiers tirs. Les Indiens tentent de se
cacher dans les replis du terrain, sur les rives du ruisseau, dans
les rares buissons. Ceux qui n’ont pas été fauchés par les
canons sont pourchassés par des cavaliers, abattus au pistolet,
décapités au sabre. Plusieurs dizaines de femmes et d’enfants ont
été retrouvés morts, entassés dans un ravin où ils s’étaient
réfugiés. Des gens ont été poursuivis sur des kilomètres et
abattus à bout portant. Dans la soirée, le blizzard se lève,
gelant sur place les morts et les mourants.
Big Foot
Yellow Bird
Après le massacre
Le
31 décembre, une équipe vient ramasser les blessés, accompagnée
par le docteur Charles A. Eastman, un médecin santee. Ils sont
entassés dans un chariot et amenés dans l’église de Wounded
Knee. La plupart mourront. Des Indiens parcourent le champ du
massacre ramassant des morts et des blessés, sauvant plusieurs
enfants.
Deux jours plus tard, une équipe de l’armée vient
enterrer les morts. Une petite fille de quelques mois est retrouvée
vivante près de sa mère morte. Elle est adoptée par le général
Leonard W. Colby. Les Indiens qui l’avaient recueillie l’avaient
appelée "Zintkala Noni", Lost Bird (Oiseau Perdu).
Les
morts, officiellement cent cinquante-quatre personnes, sont jetés
dans une fosse commune. Il est certain que toutes les victimes du
massacre ne sont pas là. Certains ont été ensevelis secrètement
par leurs parents. Beaucoup d’autres sont morts de leurs blessures.
Près de quatre cents personnes suivaient Big Foot. Il y a eu environ
soixante-dix survivants. Le chiffre de trois cents morts,
généralement avancé, est donc vraisemblable.
Pendant que les
fossoyeurs sont à l’oeuvre, des soldats s’emparent de «
souvenirs » dans le camp dévasté et jusque sur les cadavres, en
particulier des robes et des chemises des esprits qui seront revendus
à des musées, à des collectionneurs. Plusieurs scalps sont pris.
Un photographe, George E. Trager, fait de nombreuses photos des
cadavres gelés.
Le 4 janvier 1891, une semaine après le
massacre, Frank L. Baum, éditorialiste du Aberdeen
Saturday Pioneer
écrivait : "Le Pioneer
avait déjà déclaré que notre sécurité dépendait de la totale
extermination des Indiens. Les ayant maltraités depuis des siècles,
nous aurions mieux fait, afin de protéger notre civilisation, de
continuer dans cette voie et de rayer de la surface de la terre ces
créatures indomptées et indomptables".
Le Congrès
accordera vingt et une Médailles d’honneur, la plus haute
distinction militaire américaine, pour "bravoure
exceptionnelle" à des soldats qui avaient participé au
massacre.
Stronghold
La
plupart des Danseurs des Esprits ont fui vers le Stronghold où ils
se sont retranchés. La terreur, la colère provoquées par le
massacre font fuir par milliers les Lakotas à travers la réserve de
Pine Ridge. Ils abandonnent précipitamment leurs villages pour
rejoindre au Stronghold les derniers résistants. Red Cloud, le vieux
chef pacifiste, ainsi que Black Elk, l’homme médecine sont avec
eux. Les Indiens sont peu armés mais déterminés.
Le 7 janvier,
le lieutenant Casey, avec quelques éclaireurs indiens, pénètre
dans les défenses de la forteresse. Il vient probablement
rencontrer
Red Cloud pour négocier une reddition. Il est abattu d’une balle
en pleine tête par un jeune Indien, Plenty Horses. Le lieutenant
Casey sera le seul Blanc tué par les Indiens, même après le
massacre de Wounded Knee Creek. Les réfugiés peuvent faire du feu,
construire des abris de fortune, mais ils manquent de vêtements et
de couvertures. L’armée les assiège, attendant que la faim, le
froid et le découragement fassent leur oeuvre. Young American Horse,
Standing Bear, des chefs pacifistes, puis Red Cloud lui-même les
incitent à déposer les armes. "Pensez à vos femmes et à vos
enfants" disent-ils.
Vers le 15 janvier, la situation au
Stronghold est désespérée. Encore quelques jours et des gens vont
commencer à mourir de faim. De petits groupes commencent à se
rendre.
Le 17 janvier, entre deux haies de soldats et de policiers
indiens qui présentent les armes, les défenseurs du Stronghold
regagnent l’agence de Pine Ridge. Tout est fini.
Le souvenir
du massacre de Wounded Knee Creek est demeuré comme une plaie
ouverte dans la conscience collective des Lakotas.
Cent ans après
En
1986, afin de perpétrer le souvenir de leurs ancêtres massacrés et
de restaurer l’unité de la nation, des Lakotas entreprennent une
chevauchée du souvenir. Durant les quatre années suivantes, des
cavaliers de plus en plus nombreux ont refait le chemin parcouru par
ceux de Big Foot entre Takini et Wounded Knee. La dernière année,
celle du centenaire, la chevauchée partait de Fort Yates au Dakota
du Nord où se trouve la tombe de Sitting Bull.
Au matin du 29
décembre 1990, au bord de la fosse commune du cimetière de Wounded
Knee, devant une nombreuse assistance, plus de quatre cents cavaliers
lakotas ont procédé à une cérémonie de deuil, la "libération
des âmes" de ceux qui étaient tombés là cent plus tôt.
A lire (entre autres ...)
De la Longue Marche des Navajos au massacre de Wounded Knee, il se fait ici la chronique de la dépossession des Indiens de leurs terres, de leur liberté, au nom de l'expansion américaine. Si l'Histoire a souvent été écrite du point de vue des vainqueurs, Dee Brown donne la parole aux vaincus, de Cochise à Crazy Horse, de Sitting Bull à Geronimo, et compose un chant tragique et inoubliable.
A voir, écouter ... le premier en anglais, très intéressant ...
Commentaires
et oui ce peuple a été massacré, on en parle moins que certaines histoires...peut- etre la honte...jolie consécration aux indiens