"Certains naissent hommes, d'autres chiens, et c'est moi qui ait eu la chance de naître chien."
Cette phrase résume toute la pensée philosophique de Peanuts, le chien de Snoopy. Ce chien a traversé une bonne partie de ma jeunesse. J'ai toujours le souvenir d'un miroir Snoopy, acheté à Londres dans les années 80 et qui m'a suivi dans tous mes déménagements ... et il y en a eu beaucoup.
En mémoire à ces années là où la vision des choses était nettement différente ... on était peut-être punk et no future mais on avait quand même un peu plus d'espoir.
Le trait fondamental de Charlie Brown et de ses amis c'est la lucidité, lucidité soutenue par une franchise totale envers les autres et envers eux-mêmes qui leur permet de surmonter les obstacles. Linus dont le premier objectif est l'équilibre et la sécurité répète souvent que "la sécurité comme la liberté doit être défendue sans trêve". Pour survivre avec une soeur aussi égocentrique que Lucy il doit se dominer et accepter des concessions. Le seul point sur lequel Linus n'accepte pas de céder c'est l'abandon de sa couverture (moi c'était un coussin ... chacun sa thérapie). Chez Charlie Brown le réalisme est teinté d'un certain pessimisme, il se dépeint comme quelqu'un que les autres utilisent sans le moindre scrupule. Il déclare aussi que chaque fois qu'un homme se dresse contre une institution il est écrasé et vaincu. S'il est non violent c'est surtout parce qu'il a découvert chez les autres une nette tendance à rendre coup pour coup. Lorsque quelque chose va mal Charlie Brown avant d'accuser les autres commence par chercher si son manque de confiance dans le succès n'est pas la raison même de son échec. Ce n'est pas un naïf ou un simple d'esprit c'est seulement un homme de bonne volonté incapable de penser que les autres puissent être méchants. (Je vous jure que quand on est ado on y croit, après on déchante vite ...)
Lucy ne s'avoue jamais vaincue, en dehors de cas extrêmement rares où un fond de franchise revient à la surface et l'oblige à reconnaître son échec. Ainsi quand Snoopy s'obstine à danser malgré ses remontrances, elle finit par danser avec lui. C'est surtout quand elle occupe son poste de psy que Lucy trouve sa lucidité : quand il s'agit des autres, elle ne s'embarrasse pas de pieux mensonges ni de précautions qu'elle trouve inutile.
Snoopy est certainement le plus réaliste de tous. Il aimerait bien mordre de temps en temps mais la crainte d'être battu le pousse à "contrôler ses impulsions". Il voudrait bien donner une correction au chat d'à côté mais il a remarqué comme Charlie Brown que les coups appellent les coups et il préfére s'abstenir (ahhh si Double Bush avait été un fan de Snoopy plutôt que du Christ ....). Pour obtenir un bout de chocolat ou un biscuit, Snoopy accepte de faire le beau ; il sait que c'est nécessaire et qu'on a rien sans rien, mais il y a des limites à tout et la gourmandise ne doit pas aller jusqu'à la servilité.
Mais où sont les parents ?
La bande de Charles M. Schultz ne met pas en scène des gamins désobéissants et irrespectueux. Bien sûr ils savent que tous les parents ont des défauts mais les parents (qui n'apparaissent jamais dans la bande mais qu'on entend parfois comme parlant dans une pièce voisine) font l'effort d'être des parents et c'est pour cela que les Peanuts les respectent. Linus a souvent des discussions difficiles avec son père, qui se terminent sur des questions du style "après tout qu'est ce qu'un être humain?" Ce n'est pas toujours facile pour des parents moyens de se maintenir au niveau des préoccupations de leur progéniture. Charlie Brown trouve auprès de ses parents un refuge contre les sarcasmes et l'ironie de ses camarades. Son grand réconfort est le sourire de son père.
Il y aurait encore beaucoup à dire et on pourrait écrire un livre sur la psychologie et sur les motivations de chacun des personnages que Schultz met en scène. Et un autre livre encore sur ceux qui lisent Peanuts. Il faudrait aussi dire pourquoi ce sont surtout les professeurs, les étudiants et les intellectuels qui forment la majorité des fidèles de Schulz.
Le décor est peu important chez Schulz. Ce qu'il s'efforce de rendre avec le plus de vérité, ce sont les émotions. Quelques lignes et quelques points suffisent à rendre l'attente, la peur ; le soulagement, l'étonnement avec une vérité criante. La complexité des idées opposée à la simplicité du dessin rend les Peanuts encore plus attachants.
(Source : PHENIX revue internationale de la bande dessinée n°13 P. Le Carpentier)
Commentaires
Ich bin ein punk-hound,
mais j'ai la crête qu'a poussé à l'interrieur,
ça aurait nuit au développement de mon cerveau.